lundi 8 février 2010

Qui a peur d'Internet?



La semaine dernière, je concluais mon post sur le piratage en rejetant une partie du blâme sur les studios qui en dépit de leurs imposantes campagnes marketing en ligne, sont plus que réticents à commercialiser leurs films sur ce médium.

Tout le monde s’accorde pour dire que l’avenir de l’industrie sera dans la distribution en ligne et la "sortie simultanée" (salles, DVD, Internet). Pourtant chaque membre de l’industrie s’observe en attendant qu’un autre fasse le premier pas, histoire de voir s’il s’en sortira indemne. Un phénomène qui s’explique par 3 choses.

1. La peur des propriétaires de salles

Leur position est catégorique. Si vous portez atteinte à leur fenêtre d’exclusivité (4 mois dans la plupart des pays), vous pouvez dire au revoir au futur de votre partenariat avec eux. Et jusqu’à nouvel ordre, il n’existe pas de meilleur moyen d’amasser autant d’argent en aussi peu de temps ailleurs qu’en salles (je pense que James Cameron et 20th Century Fox sont d’accords avec moi). De plus, pour rendre les salles encore plus indispensables, la plupart des revenus annexes (TV payante et gratuite, avions, hôtels) sont habituellement calculés en pourcentage des revenus aux box-office. Donc, jusqu’à ce qu’ils soient d’accords pour lâcher du lest en terme d’exclusivité (traduction: jamais), ce n’est pas demain qu'un grand nombre de films auront une sortie simultanée.

2. La peur du changement

C’est vrai que ce serait formidable de distribuer un film simultanément à travers le monde, qui plus est à un coût considérablement moindre. Tous les dirigeants de studios sont d’accord là dessus. Mais en attendant que vous leur montriez un document Excel garantissant des revenus similaires à ceux qu’ils obtiennent dans le système actuel, ils préféreront rester la victime des pirates et se plaindre auprès de leur gouvernement. Après tout, Avatar (le film le plus piraté au monde, malgré la 3D) a fait pareil et s’en est bien porté, merci. Et puis s’il faut s’adapter à des revenus potentiellement inférieurs (combinés à des coûts plus que proportionnellement inférieurs) en réduisant les budgets de productions de films et les dépenses de fonctionnement, qui demandera à Will Smith, Angelina Jolie, Amy Pascal et Tom Rothman (patrons de Sony et Fox) de réduire leurs salaires de quelques millions et/ou d’utiliser moins souvent le jet privé de l’entreprise ? Pas moi.

3. La peur des spectateurs

C’est formidable tout cet argent que gagnent Netflix, Amazon ou Allociné - avec des films sortis il y a plusieurs mois - et ces jolis sondages qui disent que les "vrais gens" (groupe dont je ne fais apparemment pas partie, n’ayant jamais été sondé pour quoi que ce soit) veulent avoir accès à plus de films de façon légale. Mais comme St Thomas, beaucoup de membres de l'industrie attendent de voir des films sortir directement en ligne et être de véritable succès avant de le croire. Après tout, rien ne garantit qu’une fois une copie de bonne qualité disponible sur un torrent, ces "vrais gens" plein de bonnes intentions ne se contenteront pas d’en profiter gratuitement. Rien ne garantit non plus que les inconditionnels de torrents acceptent de rompre avec leurs bonnes habitudes et de payer pour voir ce qu’ils avaient l’habitude de voler auparavant.

Toute cette réticence à embrasser la distribution est ligne est dû à une chose : la PEUR. Celle de l’avenir et de l’inconnu. Des personnes dont la carrière (et surtout le train de vie) a reposé sur un système particulier n’accepteront de le changer qu’avec le couteau sous la gorge (exemple : musique, automobile). Heureusement, le changement arrivera (inévitablement) de l’extérieur du système en place par des personnes qui n’auront rien à perdre et tout à gagner.

Vous ne pourrez pas dire que vous n’étiez pas prévenus

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